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Quotas contre aléas: une fausse querelle.
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Fait le 06/08/2002
M anière de dire: la querelle est vraie, en ce sens que des gens se disputent
pour savoir si, des méthodes d'interrogation de l'opinion («sondages») aléatoire
ou dite «des quotas», l'une serait plus scientifique, valide, consistante que
l'autre; elle est fausse, en ce sens que si l'on y réfléchit il n'y a pas de
différence substantielle entre ces deux méthodes.
Les défenseurs de la «méthode des quotas» ont beau nous expliquer qu'elle
serait plus «scientifique» que la méthode aléatoire (ce que tendrait néammoins à
infirmer le fait que les premiers utilisateurs de la seconde sont majoritairement
des scientifiques…), parce qu'elle serait un reflet sociologique plus exact,
cela paraît douteux à quatre titres principaux:
- La pertinence des découpages: les catégories employées par la méthode
(et qui, en outre, varient d'un institut à l'autre…), représentent-elles
un découpage sociologique pertinent ? L'élaboration de catégories
formelles «femme», «entrepreneur», «de plus de 50 ans», «breton», «socialiste»,
ne permet pas, je crois, de sélectionner vraiment des femmes entrepreneurs
de plus de 50 ans bretonnes et socialistes qui soient représentatives de
ce «groupe» — d'autant qu'il est à craindre que sur un échantillon de 1.000
sondés, ce «groupe» forme au mieux 0,037 personnes…;
- La fiabilité des échantillons: on sait que de plus en plus de gens
sont réticents à répondre aux sondages, ce qui fait que même si l'échantillon
initial est rigoureux, les refus, eux seront aléatoires, et fausseront
la représentativité initiale (désormais, le taux de refus est, — comme
l'abstention électorale — couramment de 25% à 40%, parfois plus);
- Le choix… aléatoire des sondés: à y songer, la méthode dite
des quotas ne fait que reporter le «moment aléatoire». Car, aussi exacts
seraient les classements des sondés (ce qui reste à démontrer), au final,
il va bien falloir choisir aléatoirement ceux parmi les représentants
de chaque groupe qui seront sondés;
- la convergence objective (et effective) des méthodes: la méthode dite
aléatoire ne l'est pas strictement, si l'on entend qu'elle ferait appel au hasard
pur: même les sondeurs «aléatoires» ont des critères de sélection de l'échantillon,
principalement par le choix de localisation des sondés; or, il se trouve —
chacun le sait — qu'il y a une forte convergence entre situations géographique
et socio-économique; or, les «quotas» s'appuient principalement (en fait presque
uniquement) sur des critères sociaux, économiques et géographiques. Résultat: avec
une méthode «aléatoire» sur le seul critère géographique, on obtiendra un échantillon
assez semblable à celui de l'autre méthode.
Les sondeurs scientifiques, enquêteurs de l'INED ou de l'INSEE, sociologues
de l'Université et du CNRS, n'ont pas de problème à assumer qu'au départ de leurs
enquêtes, ils utilisent une méthode aléatoire, de toute manière l'échantillon
sera représentatif (ou non représentatif, disons, sera… aléatoire, mais
acceptable), pour autant, comme dit, qu'on utilise un critère de sélection simple
et efficace, et ce n'est que dans une phase ultérieure que se posera la question
des échantillons représentatifs non pas de la «sociologie des Français» (ou quelque
chose du genre) mais du travail en cours en fonction des réponses déjà obtenues;
en revanche, les sondeurs qui réalisent les enquêtes d'opinions pour les instituts
de sondages, devant l'évidence de la non scientificité de ces enquêtes, ont besoin
de leur donner une apparence de valeur scientifique en postulant la pertinence
a priori de leur échantillon, alors qu'à y regarder de près, même en
établissant des quotas on finit par obtenir un échantillon aléatoire…
Pour conclure sur la question, on peut même faire l'hypothèse que la méthode
dite des quotas est plus aléatoire que celle aléatoire: du fait que chaque
catégorie dégagée forme une population très inférieure à l'ensemble de la population
sondée, on augmente le risque d'y choisir des éléments non représentatifs…
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