[En date du 16/04/2006]
D epuis quelques temps déjà, et notablement
plus après le vote de décembre 2005 par les députés français en faveur d'une «licence
globale», la question du «droit d'auteur» et des droits dérivés interroge, en France et
un peu partout en Europe. Cependant, le relais qu'a cette question dans les médias et
parmi le personnel politique ne rend pas compte de la richesse du problème et de son lien
avec d'autres questions: le brevet, la licence d'usage des objets reproductibles, et plus
largement, l'organisation générale des structures basant leurs revenus sur l'exploitation
des droits dérivés et la reproduction. À la base, on peut poser que toute invention ou
œuvre est non reproductible: une et une seule personne, à un instant précis, est
l'autrice de telle œuvre d'art ou d'artisanat, ou de telle invention scientifique ou
technique; pour l'art et l'artisanat, c'est absolu, pour les sciences et technique c'est
moins évident en ce sens que, dans un contexte donné, plusieurs personnes peuvent faire
et, le plus souvent, font la même découverte, mais du moins, celles qui la reproduiront
par après en fonction des travaux des inventeurs initiaux n'en sont pas les inventeurs.
Dans les arts et les sciences il existe deux types d'objets: ceux destinés à la
reproduction et ceux qui ne le sont pas. Un tableau, une sculpture, un immeuble, ne sont
pas destinés à la reproduction, de même une théorie scientifique, une processus technique
ne le sont pas; ce qui ne signifie pas qu'ils ne soient reproductibles, mais du moins il
y a un objet ou un concept initial unique qui est l'œuvre proprement dite; puis il y a
des objets qui, par leur nature ou par le projet qui les a fait naître, sont destinés à
la reproduction: une photo, un texte, un film, une expérience de laboratoire, un modèle
de meuble, un objet industriel. Dans les deux cas il y a un «auteur» ou «inventeur», une
personne physique ou morale, dont on peut dire qu'elle est la seule à détenir le «droit
d'auteur» sur cette invention. Pour l'heure, je parle d'un «droit» neutre, le droit qu'a
une personne d'être reconnue comme autrice d'une «création de l'esprit»: par exemple,
toute autre personne que “moi” peut prétendre à mauvais droit avoir produit ce texte-ci;
le fait est que la seule personne qui l'a réellement produite est “moi”, ce “moi” parmi
des milliards de “moi” qui en est effectivement l'inventeur. Peu importe qui est ce
“moi”, le fait est que si tout autre que ce “moi” particulier prétend l'avoir produit, ce
sera une atteinte à son «droit d'auteur». La loi française protège en premier lieu de
droit, celui qu'on dit moral, et le protège de plusieurs manières: l'auteur a le droit de
base de se revendiquer auteur; il a le droit immédiatement attaché de mettre devant la
justice un tiers qui prétendrait avoir produit son invention pour plagiat; il a un droit
déjà moins évident, celui d'autoriser ou d'interdire l'usage de son invention, et dans le
second cas de l'interdire toujours ou dans certains cas ou pour certains usages; enfin il
existe une notion extensive et en partie abusive de ce droit, ses héritiers le conservent
pour une certaine durée (si je m'en rappelle bien, 80 ans après le décès de la dernière
personne physique disposant initialement de ce droit). Abusive, en ce sens qu'on ne voit
pas trop la légitimité d'une personne qui n'est pas l'auteur de décider de ce qu'il y a
lieu de faire de l'œuvre, au seul motif qu'elle lui est généalogiquement ou légalement
liée, qu'elle est «de sa famille». Cela donne lieu assez régulièrement à des situations
qui vont contre l'intérêt même de ces œuvres.
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