[En date du 20/04/2004]
E n préalable, parlons de ce que je n'espére
pas: accéder à la fonction présidentielle. Cela ne signifie pas que j'espère ne pas y
accéder, simplement c'est une éventualité peu probable, donc je ne compte pas trop
dessus: dans une démocratie, il y a autant de présidents potentiels que de personnes en
âge et en état de voter, et ça signifie que j'ai environ un chance — ou un risque — sur
quarante millions d'accéder à la fonction de président de la République. Autant dire,
encore moins que de gagner le gros lot au Loto®™©. Mais la société n'est pas une loterie,
et on peut y aider le hasard… Passons à mes espoirs.
J'espère susciter des vocations. Imaginez: quarante millions de présidents de la
République ! N'exagérons pas, quatre cent mille ou quarante mille suffiraient. Ou
même quatre mille. En tout cas, un peu plus qu'un. Notre président et son premier
ministre n'ont que le mot “décentralisation” à la bouche, mais ne vont pas au bout du
raisonnement: si on doit «décentraliser», on doit le faire pour tout. Actuellement, la
«décentralisation», consiste essentiellement à déléguer vers les régions, départements
et communes tout ce qui pose problème, et à conserver «au centre» ce qui n'en pose pas.
Ce qui va contre le sens: si vous chargez quelqu'un de s'occuper d'une certaine chose
mais que vous ne lui fournissez ni les moyens, ni les pouvoirs de s'en occuper, certes
vous vous débarrassez d'un problème, mais avec la double certitude qu'il ne trouvera pas
de solution et que ça en créera un nouveau. Je pense qu'il y a intérêt à regarder chez
nos voisins, en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas entre autres, pour voir ce que peut
être une véritable décentralisation.
Donc, susciter des vocations. Il me semble qu'on trouvera beaucoup plus de compétences
parmi les personnes qui ne cherchent pas à occuper une fonction élective que parmi celles
qui y aspirent. C'est logique: dans le contexte actuel, les institutions politiques sont
articulées de manière qu'il soit impossible d'y mener une politique en état de résoudre
intelligemment les tensions sociales; les personnes qui ont les moyens de les résoudre ne
sont donc pas tentées de s'y essayer dans ce cadre, sachant que les pesanteurs de
l'institution dilueront puis pervertiront les débuts de solutions qu'elles mettraient en
place. Bien sûr, nombre de personnes qui œuvrent dans le cadre de ces institutions font
partie de gens en état de trouver des solutions, mais leur bonne volonté se perd dans les
méandres de la politique nationale et européenne. Ils me font penser à ces «communistes
critiques» qui voyaient que «le Parti» était loin de «l'idéal communiste», mais pensaient
qu'il fallait changer les choses de l'intérieur. Après quelques mois ou quelques années,
soient ils rentraient dans le rang et renonçaient à changer le parti, soit ils étaient
exclus. Finalement, le parti communiste a changé. De l'extérieur. Sous la pression des
événements internationaux et nationaux. Eh ! on ne change pas une machine politique
«de l'intérieur», pour la raison sans mystère qu'une fois dans la machine on en est un
des rouages, et soit on s'adapte, soit on commence à «gripper la machine», perturber son
fonctionnement. Fatalement, «la machine» élimine le rouage défectueux pour le remplacer
par un autre plus conforme.
Mon idée est qu'il faut trouver un moyen différent de celui élaboré au XIX° siècle et
mis en place au XX° pour sélectionner les régulateurs. Sans parler des autres secteurs de
la société, considérons la structure «politique», l'appareil social en charge de la
régulation générale ou «appareil d'État»: il est adapté à une situation où les moyens de
communication terminaux sont rares et chers; aujourd'hui presque n'importe qui peut, et
dans un ou deux ans n'importe qui pourra, pour la modique somme de 30 euros à ce jour et
de dix ou quinze dans deux ans, prendre un abonnement ADSL qui lui permet de contacter
n'importe qui n'importe où dans le monde, de lui envoyer «en temps réel» du texte, de
l'image, de la vidéo, des programmes informatiques, bref, tout ce qui peut résider sur un
disque dur d'ordinateur. Et, un ordinateur, ça coûte désormais moins de mille euros: avec
une «commande groupée» de plusieurs millions d'unités en vue d'équiper les foyers et les
institutions non dotés, on pourrait descendre en-dessous de cinq cent euros pièce, port
compris. Dès lors, nul besoin de «centraliser», n'importe qui peut se coordonner avec
n'importe qui, n'importe quand et n'importe où. On peut même faire des audio-conférences
ou des vidéo-conférences à plusieurs intervenants. Bref, on a désormais les moyens de
revenir à une forme de démocratie directe. Pourquoi ne pas le faire ?
J'espère que mon projet de Constituante trouve un début de réalisation dans les mois
qui viennent. C'est déjà plus ou moins en train de se faire, mais ça se fait en ordre
dispersé, divers mouvements (intermittents, chercheurs, «intelligents», médecins, etc.)
vont dans le même sens, avec ce problème — sauf peut-être pour les intermittents — qu'ils
tendent à faire dans la défense catégorielle. Il y a bien quelques déclarations formelles
pour expliquer que tel mouvement est une remise en cause des «principes démocratiques» et
de vagues déclarations d'intention pour relier tel ou tel mouvement à tels autres, malgré
tout, on peut constater que les chercheurs veulent d'abord et surtout des «états généraux
de la recherche», les médecins des «états généraux de la médecine» et les intelligents
des «états généraux de l'intelligence». Bien sûr, on y inviterait «les citoyens», mais
pour discuter de l'avenir de tel secteur, et nul autre. Et si on s'occupait d'organiser
des états généraux tout court ? Parce que, soyons sérieux, il n'y a pas «le problème
de la recherche», «le problème de la médecine», «le problème de l'intelligence», isolés
et indépendants de tous les problèmes et dysfonctions que voit l'ensemble de la société.
Dit autrement, il est illusoire de compter trouver des solutions aux problèmes de la
recherche «toutes choses égales par ailleurs». En outre, malgré cette invitation à des
«états généraux de […]», on voit bien qu'il s'agit encore de former des cénacles,
et non pas des réunions de citoyens: pour imparfait qu'il ait été, le mouvement des
intermittents a l'intérêt d'être le seul qui ne soit pas catégoriel (car ceux que l'on
regroupe sous ce nom ne sont pas une corporation), et il a donné l'exemple que quand on
«consulte la base» pour autre chose que lui demande d'approuver les décisions «prises en
haut lieu», il en sort des propositions politiquement intéressantes.
J'espère que ma candidature deviendra vraisemblable. Plus exactement, j'espère que la
candidature d'une personne de mon genre, avec des propositions du genre des miennes,
devienne vraisemblable dans les trois ans à venir. Non que ce soit si important que ça se
fasse à court terme, comme membre de la société j'aimerais bien que ça se fasse le plus
vite possible, comme analyste de la société je me dis que ce qui doit arriver arrive, et
un an, une décennie, un siècle de plus ou de moins, ça ne fait guère de différence. Mais
la vie est courte, et j'aimerais bien voir avant de mourir à quoi pourrait ressembler «la
société du futur», en avoir un petit aperçu.
Pour revenir à quelque chose de plus terre à terre, il me semble opportun, dans la
configuration actuelle, qu'une personne porteuse, non pas d'un «projet de société» mais
plus sobrement d'un projet réalisable de restructuration des instances politiques ait les
moyens de le mettre en œuvre. La V° République a beaucoup de défauts, par contre elle a
un avantage jusque-là inexploité, sinon a deux ou trois occasions très brèves, qui est
que la Constitution donne au président les instruments pour modifier les institutions en
profondeur sans en référer à personne. D'agir en dictateur. Ce sont des outils dangereux
pour qui les manipule car s'il s'y essaie il aura contre lui beaucoup de gens, certains
en situation de lui faire beaucoup de tort: les réformateurs qui mettent radicalement en
cause la situation sociale des régulateurs finissent mal, en général.
J'espère avoir un écho dans les partis politiques classiques. Cela bien sûr une fois
que ma candidature virtuelle sera devenue vraisemblable. On y voit beaucoup de talents et
de compétences, mais mal employés, voilà tout. Pour parler d'une personne particulière,
je trouve que quelqu'un comme Martine Aubry a beaucoup de choses à apporter à la société,
elle l'a excellement montré dans la période où elle fut ministre du gouvernement Jospin,
en portant deux réformes importantes, la CMU et les 35h, malgré les oppositions et
résistances de toutes sorte, y compris dans «son camp». Je crois que fondamentalement
elle n'est d'aucun camp, que par contre elle avait — et a sans doute encore — des projets
à réaliser, et qu'elle décida de le faire en passant par le PS parce que, dans le paysage
politique français, c'était le parti le plus à même de la soutenir dans son action. Cela
dit, je comprends qu'elle ait décidé de laisser tomber le niveau national pour retourner
à la base: il y a plus moyen de bouger les choses dans une communauté de communes que
dans un gouvernement. Dira-t-on, il vaut mieux réussir à Lille qu'échouer à Paris.
Je n'ai pas trop d'espoirs du côté de la droite, du moins en ce qui concerne les
appareils: pour les personnes, c'est autre chose. Par contre, j'ai bon espoir du côté du
PS et des Verts, voire du PC et du MRG. Surtout des Verts. J'aime bien la forme de leur
parti, avec cette structure très démocratique des instances locales, régionales et
nationales qui négocient toutes les décisions. C'est le seul parti français dont on peut
dire que les décisions partent de la base. Par contre, sa base idéologique me paraît un
peu restreinte, même si elle s'élargit peu à peu, par nécessité. Sans vouloir être
méchant, au début c'était une version de l'écologie quelque peu étriquée. Cela dit, on ne
peut pas demander à une idée neuve d'être parfaite au jour de sa naissance, il faut le
temps de définir les concepts, les projets, la plateforme. Quant aux partis extrémistes,
je n'en attends rien: ceux de droite n'ont pas d'autre projet que la destruction de la
société, et à gauche, ils ont bon fond, malgré tout ils défendent un projet de société
qui était déjà dépassé au milieu du XX° siècle.
[En date du 21/04/2004]
En complément d'un espoir précédent, j'espère que ma candidature sera prise au
sérieux par mes visiteurs, qu'ils ne croient pas que ce soit une plaisanterie. Non que,
encore une fois, je compte vraiment que ça se fasse, c'est le processus général dont
j'espère qu'il sera pris au sérieux, c'est-à-dire, que contrairement à ce qui se passe
avec le système des partis, le choix d'un candidat ne se fasse pas du sommet à la base,
mais à partir de la base, et sans que ce soit positivement «vers le sommet». Bref, que
le choix d'un candidat se fasse plutôt par le consensus que par le dissensus.
Corollairement, j'espère que la prochaine élection présidentielle sera la dernière
qui se fasse, et pour un certain temps, par la voie du suffrage universel direct. Je
trouve ce système anti-démocratique. C'est une loterie, ce n'est pas une élection. Quand
on désigne une personne à un poste de responsabilité politique, il faut la connaître,
avoir eu l'occasion de la voir agir dans son quotidien, pouvoir déterminer si elle est
honnête ou non, intelligente ou non, compétente ou non. En fait, le modèle indiqué pour
mon projet de Constituante me semblerait adapté à une désignation la plus démocratique
possible. Je crois qu'au-delà d'un certain nombre de personnes, le choix devient trop
aléatoire. Par expérience, notamment des «assemblées générales», j'ai constaté que ceux
qui remportent les suffrages sont plus souvent ceux qui ont la plus grande gueule que
ceux qui ont les propositions les plus pertinentes. Parfois ça va ensemble, parfois non.
Aléatoire. Je me rappelle avoir écrit un texte, il y a longtemps, à l'époque où j'étais
étudiant, pour décrire la manière dont ça se passe dans les AG. Et pour information, les
partis politiques et les syndicats organisent des formations pour les militants dans le
but de leur apprendre comment prendre la parole et la garder dans les réunions publiques.
Or, ces méthodes sont aussi efficaces quand on n'a rien de consistant à dire que quand on
a des propositions valables à défendre. Le résultat en est que dans ces réunions, ce sont
ceux qui savent attirer l'attention qui l'emportent. Avec un groupe restreint, ce risque
est diminué: la rhétorique et les mouvements de bras, ça marche bien quand on est sur un
podium face à une foule, ça marche moins quand on est cinquante autour d'une table.
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